« L’exposition mettra en connexion le passé et le présent via des œuvres inédites jamais exposées »

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A la veille de l’exposition « Root » de Samuel Dalle prévue du 30 novembre 2017 au 31 janvier 2018 au Bolo l’espace art et culture, nous sommes allés à la rencontre de l’artiste et de la commissaire d’exposition, Edith Mbella, pour comprendre le  travail fait jusqu’ici et les raisons du choix de Samuel pour exposer dans cet espace d’art. Interview croisée.

Quand on regardait les œuvres des artistes plasticiens par le passé, on avait l’impression qu’elles vivaient, bougeaient, bref, qu’elles avaient une âme. Ce qui est difficilement le cas aujourd’hui, pourquoi ?

Samuel Dalle : je vais dire que l’œuvre c’est un aboutissement de réflexion parce que, si on fait ensemble la corrélation l’art ancien, religieux ou pas, et de l’autre côté, on me met, artiste de mon ère, on a l’impression, puisqu’on ne parle dans un premier temps que de sculpture, qu’on ne peut pas tirer une énergie de ça, un style ou étaler ses composition et extraire pour en faire quelque chose. Avant de me lancer dans ce projet, il était techniquement important d’épurer mon travail, d’aller vers un minimalisme.

Edith Mbella : Samuel a évolué dans son travail donc, il va vers l’essentiel. Et quand on regarde les œuvres d’art primitif (tribal, rituel…), nos ancêtres artistes, c’est-à-dire ceux qui faisaient le même travail que Samuel, qui créaient des choses et qui étaient vénérés dans la société, quand ils créaient quelque chose, c’étaient fort parce qu’il n’y avait pas de fioritures autour. Il n’y avait pas de fleurs pour rendre ça beau. Ils allaient directement vers l’essentiel. C’était fort, c’était puissant et c’est ce que Samuel essaie de copier. Il a épuré son travail et il est allé vraiment vers l’essentiel. Cet essentiel qui est imprégné dans lui en tant qu’africain, en tant que quelqu’un qui, avec ses ancêtres qui étaient animistes. C’est là où je pense qu’il y a quelque chose de « root » en lui c’est-à-dire de racine qui est la connexion entre le passé de ses ancêtres et lui qui est un peu l’évolution de l’homme africain un peu perdu dans le côté moderne et la perte de nos racines. Nous voulons amener les africains actuels à regarder de temps en temps leur racine, leur origine pour pouvoir aspirer aux grandes choses. Notre culture (traditionnelle) est une source d’inspiration intarissable. Tu ne peux pas passer le temps à singer les artistes européens et espérer avoir une place. Les artistes qui auront une place dans le futur seront ceux qui ont su synthétiser ce qu’il y avait dans leur tradition et ce qu’ils sont aujourd’hui.

Qu’est ce qui fait la particularité des toiles de Samuel Dalle par rapport aux autres ? Ou comment reconnaître ses toiles parmi tant de toiles ?

Edith Mbella : Samuel a un tracé. Quand je regarde une de ses toiles, je reconnais toute suite que c’est la sienne parce qu’il a cette force et cette puissance qu’avaient souvent les gens initiés de pouvoir voir les choses d’une autres façon. On le voit dans ses masques. Il a à la fois le mélange du cupisme (qu’il a inconsciemment) que les européens se sont appropriés à travers les œuvres africaines, et Samuel lui-même qui évolue dans son temps. A chaque fois, il a cette touche africaine qu’il a en lui.

Quand on parle de « Root », est-ce que, pour cette exposition, a centré son travail sur un aspect bien précis comme l’homme, la société, l’art ou autre chose ?

Edith Mbella : C’est sur la société. Les œuvres qui seront exposées sont inédites. Elles n’ont jamais été exposées. Il a travaillé sur un sujet que je pensais qu’il était là. Il a en lui-même un côté root, caché à l’intérieur de ses tripes, qu’il a réussi à synthétiser. Il a fait sortir quelque chose qu’il a en lui, africain, et c’est quelqu’un qui évolue aussi dans toute sa modernité.

Comment transpose-il ce côté root sur la société ?

Samuel Dalle : Root c’est d’abord une critique de la société, de notre mode de vie, notre posture générale. C’est aussi un mea-culpa dissimulé parce qu’on n’est pas toujours fautif. A la fin de la réflexion, je me dis : nous sommes des êtres traumatisés. Je n’irai pas dans un tableau dire aux gens de retourner vivre dans des huttes ou des cases du village. Dans mon style, il y a eu une distorsion, un choix de déconstruire un certain nombre de chose, d’aller vers le minimalisme. On aura 9 toiles qui sont neuf sous-thèmes différents. Sur cette toile baptisée « Sweet mother », je fais une métaphore entre la maman qui prend soin de nous et la maman qui est notre culture, qui est la source de notre origine. Je fais un clin d’œil à la femme. J’ai aussi une toile baptisée « Avatar » que vous verriez le moment venu qui représente une personne isolée dans un coin et portant un casque aux oreilles. Ceux qui ont vu mon travail lors de l’exposition « King of shadow » qui portait sur la déshumanisation de l’homme verront ça comme une suite logique. J’aime faire des critiques de la société dans laquelle je vis. Je veux utiliser la peinture pour transformer la société dans laquelle je suis. Il sera difficile de nous développer à dansant sur la musique des autres, en singeant les autres. On risque d’être assimilé et confondu à tout le monde.

Edith Mbella : Samuel a dit quelque chose de très importante : ne pas être assimilé. Il faut être soi-même, avoir quelque chose d’originale. La plupart des gens actuellement essaie simplement de s’imprégner de la culture occidentale. Il y a beaucoup de choses que je revendique par exemple, en tant que femme, je ne me défrise jamais les cheveux. Je ne porte que des coupes africaines parce que c’est mon africanité. Je suis moderne mais il y a une chose que je revendique, ce sont mes racines. Je trouve que « Root », c’est tout ça.

https://www.youtube.com/watch?v=66nxnlWwF9s

A quel niveau des préparatifs êtes-vous aujourd’hui pour cette exposition prévue du 30 novembre 2017 au 31 janvier 2018 ?

Samuel Dalle : On a fini parce qu’on a été très pointu dans ce qu’on a décidé de faire. On aura une cinquantaine d’œuvres exposée dans les deux étages. A l’intérieur de cette exposition, on aura une installation nommée « ancien mutant » centrée sur un être qui a subi une transformation. On ne peut pas rentrer dans la culture des autres, manger des hamburgers sans connaître le mitumba, le koki, le nkui, l’okok… (Cas du Cameroun). On ne peut pas oublier d’un coup le vin de palme pour décider de ne boire que la bière. C’est un rêve qui commence par une invitation d’un retour aux sources, d’une prise de conscience sur les choix qu’on fait.

Qu’est-ce qui nous garantit que cette exposition ne s’arrêtera pas brusquement comme la précédente : « king of shadow » organisée à la galerie MAM ?

Edith Mbella : Je ne sais pas ce qui s’est passé avec l’exposition « King of shadow ». Moi, Edith Mbella, j’ai ma façon de travailler. Avant même d’arriver au Cameroun où je séjourne maintenant, j’étais à la recherche des artistes contemporains africains et j’avais flashé sur le groupe qui formait le collectif 3 kokoricos (Samuel Dalle, Kristine Tsala et Aza Mansongi) et en particulier le travail de Samuel parce que ses œuvres me parlaient. J’ai pris contact avec lui via mail. J’ai un très grand respect pour les artistes parce que le travail de création n’est pas donné à tout le monde et je pense qu’en tant que commissaire d’œuvres d’art africain et d’exposition, on sait bien que les créateurs dans notre civilisation africaine et traditionnelle étaient vénérés. On les considérait comme des demi-dieux. C’est vrai que certains artistes contemporains ont quelque peu exagéré de ce pouvoir qu’ils avaient de créer et ils se prennent pour des stars. Le travail que je fais en tant que galeriste et passionnée d’art est d’avoir une relation franche et honnête avec les artistes. Et quand il y a une remarque à faire à un artiste, je le fais et s’il ne m’intéresse pas, je ne l’expose pas. A partir du moment où on a une convention ensemble de travail, je fais tout pour qu’il soit alaise et qu’il fasse bien son travail parce que c’est important. Donc, nous n’aurons aucun problème. L’exposition « Root » commence le 30 novembre 2017 et se termine normalement le 31 janvier 2018. J’ai dit à Samuel que si on a un succès énorme, on pourra laisser ses œuvres exposées (hors exposition) parce que je suis encore là en février jusqu’à la fin du mois de février.

Propos recueillis par : Frank William Batchou

 

 

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