Chroniques

Nos langues nationales se meurent

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Elles ont perdu leur valeur d’antan au profit des langues étrangères qui gagnent du terrain jusque dans nos familles. Un réveil sera le bienvenu pour les sauver et afin d’en faire profiter aux générations futures.

Il y a quelques jours, j’ai reçu un mail du sieur Marcel Kemadjou Njanke m’informant la tenue des séminaires Medumba (langue parlée dans le département du NDE à l’ouest du Cameroun). Une annonce qui m’a fait réfléchir sur le niveau d’enseignement des langues nationales dans nos familles.

Le Cameroun est d’une diversité incroyable tant sur le plan ethnique, géographique, faunique, hydraulique, climatique que linguistique. En s’arrêtant uniquement sur le plan linguistique, le pays compte près de 300 langues nationales sur les 7000 dénombrées sur la planète. On a le duala, le bakaka, l’éwondo, le shumun, le wolof, le bulu, le medumba, le féfé, le bassa, le ghomala, le yemba, le fufuldé… Avec le temps, ces langues sont rentrées dans un engrenage de disparition en cédant définitivement la place aux langues occidentales telles que le français, l’anglais, l’espagnol, l’allemand, l’italien et le chinois. Sur un échantillon de 100 enfants aujourd’hui, moins d’une dizaine vous aligne deux phrases, même incorrectes, en leur langue maternelle sans y injecter des mots en français, en anglais ou en francanglais, un argot local.

Cette acculturation occidentale (si vous le permettez) expressément mis au placard. La non-exploitation et la non-préservation de ses langues nationales (qui font partie de notre identité) découlent de l’inconscience de la jeune génération et de l’insuffisance de leur enseignement. D’où, une difficulté à les écrire parce que, dit-on, ce sont des langues à ton. Cette insuffisance est aussi perceptible non seulement dans nos familles, mais aussi dans nos écoles, collèges, lycées, universités et grandes écoles. Les dialogues en langue maternelle reposent désormais au cimetière du passé. Mêmes les centres d’instruction de langue à l’instar du Nufi ont fait black-out sur leur activité faute d’enseignants qualifiés, l’absence et la rareté des ouvrages. Il en est de même pour les projets des radios communautaires crées avec l’appui de l’Unesco pour promouvoir ce patrimoine local. Ici, les programmes en langue locale, quand bien même il en existe, occupent moins de trente minutes d’antenne. Les colonies de vacances et les retrouvailles autour d’un feu de bois avec grand-père ou un patriarche du village pour échanger en langue, sont devenues des mythes. Dans les universités, la filière « Langue africaine » ne fait pas courir les étudiants. Il est donc normal que nos langues se meurent au fil des ans.

 

Les feux sont au rouge. L’urgence est signalée. Il faut trouver des solutions pour lire et écrire en langue maternelle afin de sauver ce patrimoine culturel. Des initiatives sur facebook comme « Je parle le bassa 2.0 », « Teach me duala »… (Aseendel et Hyboo Cameroun ont pris de l’eau au fil des ans) où l’on promeut les langues nationales sont louables et encourageantes. Le Centre d’initiation à la culture Douala (Cicd) résiste lui aussi contre vent et marrée. Nous devons croire en la valeur de nos langues pour les parler aisément et sans complexe avec nos enfants, nos frères et nos sœurs. De plus, elles doivent véritablement être officialisées dans les programmes scolaires comme c’est le cas dans quelques rares établissements dits privés et confessionnels de Douala où sont enseignés, de manière laconique, le bassa et le douala. La langue ou les langues les plus représentatives de chaque région pourraient être choisies. Cette tâche incombe aux responsables de l’Education de base et des Enseignements secondaires. Il est important que des programmes comme le Programme opérationnel de l’enseignement des langues au Cameroun (Popelca) initié par le Professeur Maurice Tadadjeu, revoient le jour. Et que la jeune génération prenne les taureaux par les cornes pour sauver nos langues nationales qui sont le socle même de notre identité.

Frank William BATCHOU

frankwilliam

Frank William Batchou est un journaliste de formation. Après avoir exercé dans plusieurs médias camerounais (Le Messager, Emergence, Show Mag, Crtv Littoral, Site-Dar Fm…), il s’est très vite reconverti, au vu de l’évolution, dans le blogging et du digital depuis 2008. Il a géré la communication du projet #Wikivillages de Wikipédia, la communication digitale du programme TV « Yellow Times » de MTN Cameroon, le label de production et management LMC Prod, le social media du magazine culturel Show Mag. Entre 2016 et 2021, il a été Social Media Manager puis Digital Manager chez HAVAS AFRICA CAMEROUN, la filiale du groupe HAVAS Media, l’une des quatre plus grandes agences de communication dans le monde. Depuis juin 2021, il est Community Manager chez Bolloré Transport & Logistics région golfe de Guinée (Cameroun - Tchad - RCA & Guinée Equatoriale). Frank William est également auteur du recueil de nouvelles "MAPANES (L’âme d’un aventurier)" (2018) et du roman "L'erreur de la nuit" (2021). Frank William Batchou est également le Founder & Excutive Groups Manager de F Square Corporation, une structure exerce dans le secteur de la Communication digitale, le management, édition et production artistique, promotion sportive, la mode… Plus d'infos sur https://fsquarecorporation.com

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