Malgré la proximité avec l’aéroport, la base aérienne et les poteaux électriques à hautes tensions qui côtoient les maisons, on s’en vous et on ignore l’existence du pire.
Dans nos Mapanes, le mot « danger » concerne les riches. Dès qu’un frère du secteur l’intègre dans son vocabulaire, sache qu’il a été victime. Cela ne l’empêchera pas de chercher un autre lieu à risque pour s’établir avec sa marmaille. Ne dit-on pas chez nous que « le lit du pauvre est fécond » ? L’argument dépité sans tarder est : « le terrain est moins cher ici et le pays va mal. Les grands de ce pays mangent l’argent seul quand nous souffrons ». Fru Achu, qui habite le lieu-dit Echangeur non de la base aérienne de Douala. D’après quelques personnes rencontrées ici, ce domaine est la propriété de l’Agence pour la sécurité aérienne en Afrique et à Madagascar (Asecna). Est-ce qu’on connait ça chez nous ? Et le jour où interviendra le déguerpissement, on dira « c’est la faute à Pa’a Biya », comme nous rappelle la rappeuse camerounaise Lady B dans sa chanson éponyme.
Ce qui est bien ici, les constructions sont toujours en matériaux provisoires. Comme quoi, il n’y aura pas trop de pleures au dernier jour. Dans l’un des ateliers établi ici, des artisans scient, assemblent, poncent et vernissent leur objet. Un ouvrier affirme qu’ils y sont installés depuis près de huit années sans aucune autorisation. Il reconnaît qu’« à chaque moment, on peut être chassé. Dieu seul nous protège des risques au vu de notre proximité de la base aérienne».
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Ces habitants ne sont pas les seuls à vivre dans les emprises des zones aériennes. Un tour au quartier New-town aéroport, (même ma voisine de lit doit s’inquiéter au vue ses endroits visités hein) situé à proximité de l’aéroport international de Douala, le spectacle ici est pratiquement le même. Un secteur où cohabite des buvettes, des restaurants, des salons de coiffure et un dépôt pétrolier. Le quartier est en chantier avec plusieurs bâtisses en construction. Seul un chemin de terre les sépare avec la barrière de l’aéroport. Et, plus on s’enfonce dans le quartier, le rapprochement se fait croissant. Beaucoup des habitants croient ferme qu’ils ne courent aucun risque en habitant tout près de l’aéroport. Oumarou, habitant du quartier depuis bientôt quinze ans, soutient que « les pistes de décollage et d’atterrissage sont éloignées de nos maisons. En cas de crash, ce sera de l’autre côté. On ne nous a jamais dit que c’était une zone à risque ».
Dans notre aventure, on se retrouve au quartier dénommé Village, plus précisément à la Cité belge bloc 4 et 9. André T, la soixantaine sonnée, certifie qu’il faut avoir un cœur de lion pour vivre ici. Car, « les maisons sont construites en dessous des avions au décollage comme à l’atterrissage. Ils survolent tout juste au-dessus de nos têtes. Si tu jettes un caillou, ça va le toucher. Voilà un exemple (en pointant du doigt un avion en plein vol). Les gens manquent de moyens pour aller dans les quartiers à moins de risque », dit-il. Ici cohabitent plusieurs garderies d’enfants, des écoles et collèges, un grand marché et deux églises (catholique et protestante). « Les gens s’en foutent des risques. Ils ont besoin juste d’un endroit où dormir et se débrouiller. S’il advenait un accident (même si on ne le souhaite pas), il y aura trop de morts ici », ajoute-il. A l’aéroport, on apprend que la délimitation de la zone aérienne est une affaire de l’Asecna. Au siège de cette institution, personne n’étant disposé de nous donner une quelconque information.
Frank William BATCHOU