Arrivée en fin de séjour à après 3 années de dur labeur diplomatique au Cameroun, S.E Samuela Isopi, l’ambassadrice d’Italie au Cameroun revient, dans cet entretien, sur la coopération entre le Cameroun et l’Italie sur le plan culturel.
Excellence madame l’Ambassadeur, comment se décline la coopération Cameroun-Italie sur le volet culturel ?
C’est un volet très important parce qu’il embrasse beaucoup de choses. Pour nous, le volet culturel c’est d’abord l’enseignement et la formation. Nous sommes très contents et très fiers qu’il y ait un nombre important de camerounais qui choisit l’Italie pour poursuivre leurs études universitaires. Actuellement, nous avons 3200 étudiants enregistrés qui poursuivent leurs études en Italie. Nous en avons envoyé 1000 sur les trois dernières années. Ils font beaucoup plus dans les matières scientifiques et techniques qui sont très importantes pour le développement du Cameroun. Nous encourageons aussi beaucoup la coopération entre les universités italiennes et camerounaises pour faire des recherches ou faire la formation conjointe sur place parce que tout le monde n’a pas la chance d’aller en Italie ou en Europe pour étudier. Nous essayons d’encourager l’enseignement de la langue italienne parce que c’est un véhicule de connaissance et d’appréciation de la culture. Il existe des organisations italiennes qui travaillent dans le domaine purement culturel en aidant les camerounais à valoriser leur culture, on a le COE-CAM qui est un centre de formation en art au Cameroun financé par le gouvernement italien et l’Union européenne; et maintenant, avec le partenariat italien, on a créé la Libre académie de beaux arts qui est basée ici à Douala. Nous essayons chaque année de réaliser des activités culturelles : le cycle du cinéma italien que nous souhaiterions qu’il soit plus suivi pas seulement par les gens de Yaoundé et Douala mais aussi ceux des autres régions du pays. Les films que nous essayons de proposer sont des films qui parlent de la vie quotidienne (l’histoire, les rapports familiaux, l’amitié, l’amour, le chômage, l’immigration…) et sont, à mon avis, très intéressants pour le Cameroun. Donc, nous souhaiterions avoir plus de camerounais pendant les projections. Nous sommes disposés à mettre à la disposition des institutions (universités, institutions culturelles…) qui souhaitent projeter ses films italiens sous-titrés en français dans d’autres villes du pays. Ensuite, on a fait des concerts avec des concerts avec des groupes qui sont venus d’Italie, probablement aussi cette année, mais on souhaiterait se concentrer sur quelque chose qui incite au dialogue et à l’échange entre les cultures.
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A-t-on déjà, jusqu’ici, les retombés de cette coopération ?
Il faut comprendre que c’est une coopération immatérielle. Si on parle de l’enseignement de la langue italienne, on peut arriver avec des chiffres : environ 6000 personnes qui étudient la langue italienne dans différentes institutions du pays. C’est déjà important. Il faut savoir que la langue italienne, on l’a choisi parce qu’on l’aime et non parce que c’est obligatoire. Derrière ce choix, il y a une motivation qui, pour la plupart, est culturelle. En Italie, on compte 3200 étudiants camerounais. On a une quinzaine d’universités italiennes qui coopèrent avec les institutions locales. En termes de manifestations culturelles, les retombés sont immatériels. On essaie de rapprocher les deux cultures et de faire comprendre nos réalités. Ce qui est intéressant, comme je l’ai dit tantôt, c’est qu’en Italie, il y a de plus en plus d’institutions qui organisent des festivals et beaucoup d’autres activités sur la culture africaine. Et la culture camerounaise à toujours une place très importante. C’est très intéressant parce que ça permet de montrer une image différente de l’Afrique parce que, ce que nous faisons ici, les africains devaient aussi les faire chez nous. Malheureusement, les ambassades africaines en Europe ne le font pas. Heureusement que la diaspora camerounais, bien que petite, est très dynamique et fantastique. Et c’est bien pour vous et pour nous.
En votre qualité d’Ambassadeur, comment appréciez-vous la scène culturelle et artistique camerounaise ?
Il y a un potentiel inestimable et incroyable au Cameroun. Même si on ne l’apprend pas dans une école ici, les gens ont ça en eux. C’est quelque chose qui marque le visiteur qui arrive ici. Dans le domaine de l’art plastique par exemple, vous avez beaucoup de talent que ce soit dans l’art classique ou ancien. Il faut juste les mettre en valeur. Comme l’a dit le président de la commission européenne au salon « Investir au Cameroun » récemment, il y a beaucoup de créativité au Cameroun, mais il faut aussi un peu d’organisation.
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S’il y avait un conseil à donner à ses différents acteurs pour une émergence de ce domaine culturel, que leur direz-vous ?
De se battre et d’impliquer les autres. De ne pas penser que c’est quelqu’un d’autre qui viendra valoriser votre culture. Ne pensez pas que le modèle culturel européen ou américain est plus intéressant. Essayez vous même de renforcer le modèle culturel africain en général et camerounais en particulier. Cela vous permettra d’affronter plusieurs défis. N’attendez pas toujours que l’Etat vienne vous aider. C’est à vous d’être en première ligne et aux autres de vous accompagner. Les choses imposées en interne ou de l’extérieur n’ont jamais fonctionné. Les choses doivent venir de la base constituée de citoyens. L’enseignement de la culture locale doit se faire dans les écoles. Il faut insuffler aux enfants cet amour pour la culture et l’art.
Propos recueillis par Frank William Batchou